Retraçons l’histoire des bretelles jusqu’à nos jours

Devenue un accessoire tendance et pointu en matière de mode pour homme, la bretelle a connu une popularité digne des montagnes russes. De ses origines vers le XVIème siècle au début du XXème siècle, la bretelle est un sous-vêtement que l’on cache sous un gilet ou une veste.

A partir de la Seconde Guerre mondiale, la ceinture devient un indispensable pour maintenir le pantalon et comme on ne peut porter ceinture et bretelles, comme le dit la fameuse expression, ces dernières sont moins en vogue. Elles sont carrément démodées, dans les années 90. Comme la mode est un éternel recommencement, les bretelles sont aujourd’hui chics pour les hommes et adoptées par les 15 – 30 ans.

Les origines de la bretelle

Si les premières ceintures apparaissent dès le temps des Vikings, il semblerait que la bretelle soit née en France, au cours du XVIème siècle.

L’apparition des bretelles sous Henri III

Lors du règne de Henri III, les bretelles servent au maintien de l’habit de l’époque. Les hommes portaient les chausses, correspondant aux bas du Moyen-Age.

 

Comme les matières étaient naturelles et ne contenaient pas des fibres synthétiques comme l’élasthanne qui assure la tenue d’un pantalon d’aujourd’hui, les hommes portaient des bretelles pour soutenir leurs chausses serrées (appelées grègres) ou bouffantes.

La popularisation de la bretelle lors de la Révolution Française

Au cours de la Révolution française de 1789, la bretelle se popularise. Elle est portée par les personnes du Tiers-Etat, les sans-culottes, sous forme de rubans fixés au pantalon, auxquels s’ajoutent un bonnet phrygien et une cocarde tricolore.

D’ailleurs, la culotte disparaît au profit du pantalon au cours du XVIIIème siècle même pour les classes les plus aisées. Les hommes portent alors 2 types de bretelles rigides : la "bretelle ouvrière" en drap, très résistante et la bretelle dite "bourgeoise" en cuir, faite entièrement à la main. C’est un vrai travail d’artisanat réalisé à la fois par des tisserands et des cordonniers.

Aux Etats-Unis, les bretelles commencent également à devenir un accessoire commun adopté par les hommes. En 1736, Benjamin Franklin, père fondateur du pays et co-auteur de la Déclaration d'Indépendance, trouve un intérêt utilitaire aux bretelles, qui deviennent un élément à part entière de la tenue des pompiers du Fire Department de Philadelphie, pour lutter contre les incendies.

 

Rouen, la ville française berceau de la bretelle

 

Pour bien comprendre l’histoire de la bretelle, il faut s’attarder sur la ville de Rouen, qui fut un haut lieu de l’artisanat, puis de l’industrie bretellière et du textile. C’est aux environs de 1800 que les premiers métiers à tisser, en bois, pour bretelles sont créés par deux tisserands français, Duval et Gosse, au sein d’une manufacture à Rouen.

D’après le livre Fameaux Rouennais de Roger Biot, Charles Antheaume, tisserand de l’époque, sympathisa avec Duval et se mit à réfléchir à un métier à tisser plus performant. Le modèle de Duval et Gosse ne permettait que de tirer un fil à la fois, alors que la machine faisait toute une pièce. Il mit en place un métier à tisser multi rubans. La machine était polyvalente car elle coupait les bretelles à la longueur souhaitée une fois tissées et reprisait le tissu pour que les boutonnières se fassent toutes seules.

 

La concurrence était rude à l’époque. Ses concurrents avaient mis au point des bretelles à ressorts avec des fils en laiton. Charles Antheaume fit une contre attaque innovante avec l’invention des bretelles élastiques, ainsi qu’avec la création d’un fil creux et tubulaire. De plus, il mit au point un métier à tisser qui fabriquait 36 bretelles en même temps !

L’entreprise était si florissante que de nombreux acheteurs proposèrent une forte somme à Charles Antheaume, qui la vendit, ce qui lui permit de devenir rentier. Aujourd’hui, une rue de Rouen porte son nom en son honneur.

L’entreprise reprit les techniques d’Antheaume, vu que ce dernier n’avait pas déposé de brevet. Elle fut vendue à de multiples reprises, en se diversifiant avec la fabrication de jarretelles. La technologie de l’élastique s'est développée avec l’introduction du caoutchouc.

Le dernier repreneur est Lucien Fromage, qui produit la moitié de la confection de bretelles et de jarretières sur la ville. Il va permettre l’insertion du caoutchouc dans le tissage de la laine ou du coton.

Il va se développer et se diversifier peu à peu avec la fabrication de gaines et de soutiens-gorge. Homme d’affaires, il rachète ses concurrents, possède près de 500 métiers à tisser et exporte dans le monde entier. Son entreprise dégage un chiffre d’affaires de près de 2 000 000 francs, ce qui est une somme colossale en 1860. Elle a perduré jusqu’en 1976 !

L’invention de la bretelle moderne avec Albert Thurston

Si on ne doit retenir qu’un seul nom en matière de bretelle, ce serait celui d’Albert Thurston. En 1820, il commercialise ses modèles de bretelles, dans une boutique londonienne au 27 Panton Street.

En forme de H appelé H-back, les bretelles sont dotées de 2 bandes en tissu supplémentaire dans le dos, qui encadraient les omoplates. Très solides, elles sont rigides et résistantes, avec une matière que l’on appelle « boxcloth », qui est une sorte de laine à maille serrée et tissée dans la tradition du Yorkshire.

La boutique évolue en proposant des bretelles dans des matières nobles, comme la soie ou le satin. Elles peuvent être brodées de dessins, de logos ou d’armoiries. Vers 1830, la forme des bretelles change et passe au X-Back, c’est-à-dire en forme de X.

Les bretelles appelées « braces » en Grande-Bretagne prennent la forme actuelle que nous connaissons, en 1850, en Y-back, en forme de Y. Elles sont attachées au pantalon avec un système de boutons.

L’essor de la bretelle après la guerre de 1870

Selon les rumeurs, l’Empereur Napoléon portait des bretelles décorées d’abeilles, en souvenir de ses origines corses, au cours du XIXème siècle.

Les bretelles restent un accessoire exclusivement masculin, en raison de la loi du 26 Brumaire an IX (17 novembre 1800) qui interdit le port du pantalon aux femmes. Toutefois, quelques-unes comme George Sand, bravent les interdictions, la mode et les idées véhiculées par la société.En 1843, elle fait plusieurs apparitions publiques, travestie en homme, avec le port de pantalon et paraît-il de bretelles. Si aujourd’hui, le look androgyne avec bretelles est parfaitement ancré dans nos mœurs, des femmes se sont singularisées en les portant par le passé: par exemple Olympe de Gouges, qui portait la culotte réservée aux hommes.

L’élan populaire pour les bretelles est réel en France, après la Commune de Paris de 1871, qui fut une insurrection et une guerre civile à Paris entre les insurgés, les Communards et les Versaillais. La bretelle est portée par tous les hommes, de la classe populaire aux milieux plus aisés.

C’est au cours de cette même année, que l’écrivain et inventeur Samuel Clemens, connu sous le nom de Mark Twain pour son ouvrage les Aventures de Tom Sawyer, créa et déposa un brevet pour un système révolutionnaire dans le monde de la bretelle, sous forme de « sangles ajustables et détachables pour vêtements ».

Si ce système peut être utilisé pour tous types de vêtements, ces attaches appelées scraps permettent de régler la longueur de la bretelle, pour plus de confort. Cette invention sera reprise pour devenir l’attache du soutien-gorge moderne.

En 1873, se substituant à la salopette, la bretelle s’introduit dans le monde du travail, avec le dépôt du brevet du pantalon de travail en denim de Levis, sur lequel sont placés des boutons pour les bretelles.

L’évolution du système de fixation d’attaches se fait à partir de 1894, aux Etats-Unis, avec l’apparition de boucles en métal, ce qui permet la création de bretelles à pinces.

L’évolution de la bretelle

Accessoire pour homme, les bretelles ont subi des transformations dans leur forme au cours des siècles. Tout d’abord, on voit apparaître les bretelles à la française, dites également à la papa, très larges et rigides, ce qui permet de porter le pantalon bien haut.

A partir de 1836, la "bretelle russe" est tendance en raison d’un détail: elle a deux pattes au lieu d’une à l’avant de chaque bretelle. En 1850, la largeur de la bretelle de l’épaule à la boucle diminue. On parle de bretelle rétrécie. Enfin apparaissent les très modernes bretelles fines et droites à pattes élastiques, les mikados.

A partir de 1920, suite au port d’uniforme durant la Première Guerre mondiale, les pantalons sont dotés de passants pour ceinture. Les bretelles déclinent peu à peu.

Si aujourd’hui, on porte volontiers ses bretelles apparentes, ces dernières furent longtemps considérées comme des sous-vêtements. Pour preuve, cette anecdote datant de 1938 aux USA : certains hommes commençaient à montrer leurs bretelles que l’on appelle « suspenders » (aux Etats-Unis), dans une ville de l’Etat de New-York. Il fut interdit de porter des bretelles sans veste ou manteau, sous peine d’avoir un comportement qualifié d’indécence vestimentaire. Suite à des plaintes, cette interdiction fut annulée.

Après une longue traversée du désert, les bretelles reviennent avec le mouvement punk, notamment au cœur de Londres, dans les années 80, en signe de rébellion vestimentaire. Elles sont portées pendantes, avec un perfecto en cuir et un pantalon destroy.

Depuis 2010, toutes les formes de bretelles sont permises pour un look moderne de dandy chic. Le best seller reste la paire de bretelles en Y, avec une attache dans le dos.

Les bretelles en X assurent un meilleur maintien avec 2 attaches dans le dos. Ce système est privilégié lorsque l'on recherche en priorité le confort et le maintien. Les matières les plus utilisées pour les bretelles à porter au quotidien sont les élastiques et le coton, qui permettent un vrai confort. Pour les grandes occasions, misez sur le cuir, pour un maximum de solidité et d’élégance, ou bien sur la soie.

Pour un effet rétro et vintage, les bretelles se portent avec un pantalon à boutons. Mais il n'est pas toujours facile de trouver ce type de pantalons, et les modèles de bretelles à pinces sont beaucoup plus répandus. D'ailleurs, les bretelles à pinces s’accordent à merveille tout simplement avec un jean ou un chino.

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